Renouvellements hypothécaires Tempête à l’horizon

Plus coûteux, plus long et plus compliqué. La vague de renouvellements hypothécaires qui se profile aura des allures de tempête à cause d’une interprétation contradictoire de la Loi sur le notariat, craignent les experts du courtage immobilier. Les représentants des notaires, eux, ne sont pas sur la même longueur d’onde.

Publié à 1h01 Mis à jour à 5h00

« Cette année, il y a un paquet de personnes qui ont renouvelé dans une catégorie de transfert [d’hypothèque], que le prêt est accepté, que tout est beau, et là, on arrive et oh, on n’a pas de notaire pour prendre le dossier », résume Simon Lupien, courtier hypothécaire et cofondateur d’apoint Hypothèque.

Résultat ? Récemment, un client a dû trouver un « notaire d’urgence » pour éviter que sa transaction avorte, raconte M. Lupien. La facture : 3500 $. Tout cela pour une histoire de renouvellement hypothécaire. Dans le milieu du courtage immobilier, plusieurs craignent de voir ce scénario se répéter.

On montre du doigt la modernisation de la Loi sur le notariat, en vigueur depuis l’automne dernier.

D’après l’interprétation de la Chambre des notaires du Québec (CNQ), seuls les notaires sont désormais autorisés à rédiger les dossiers hypothécaires et ils doivent réaliser eux-mêmes toutes les étapes du processus. Or, First Canadian Title (FCT) et Fidelity National Financial (FNF), connues pour leurs services liés aux refinancements hypothécaires, voient les choses d’un autre œil.

Le torchon brûle entre les deux parties, au point où les deux firmes ontariennes ont amené l’affaire devant les tribunaux en février dernier.

FCT et FNF estiment qu’elles peuvent encore s’occuper des dossiers, avant de les transmettre à un notaire québécois. Ce dernier doit s’assurer que tout est en règle avant de finaliser la transaction avec la clientèle. Cette façon de faire moins onéreuse est particulièrement prisée par les prêteurs non bancaires – comme First National Financial, Banque Manuvie, etc. – lors de transferts subsidiaires ou du renouvellement d’un prêt hypothécaire.

Notaires intimidés ?

D’ici à ce que le tribunal tranche, le nombre de notaires qui acceptent de travailler pour les deux plaignantes aurait beaucoup diminué. C’est ce qu’a indiqué le chef de la direction de FCT, Michael LeBlanc, en entrevue avec La Presse. Celui-ci a décidé d’effectuer une rare sortie publique dans le but de braquer les projecteurs sur une situation qui, à son avis, risque de donner bien des maux de tête aux emprunteurs.

« Je vous dirais que la moitié des notaires avec qui l’on fait affaire [au Québec], voire un peu plus, ont pris un pas de recul, affirme M. LeBlanc. Étant donné qu’un certain nombre de notaires ont été approchés par la Chambre, et je dirais qu’ils ont été intimidés, ils nous ont dit, par crainte de représailles, qu’ils ne peuvent plus nous aider. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Michael LeBlanc, chef de la direction de First Canadian Title, une entreprise qui offre des services liés aux financements hypothécaires

C’est dans ce contexte que les acteurs du courtage hypothécaire interrogés par La Presse s’inquiètent des mois à venir. L’heure du renouvellement approche à grands pas pour un grand nombre de propriétaires.

Lorsque les taux d’intérêt étaient à des creux historiques, en 2020, les prêts hypothécaires à taux fixe sur des termes de trois à cinq ans étaient très populaires. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), 2,2 millions de propriétaires au pays s’apprêtent à renouveler leur prêt. Au Québec, on parle de quelque 295 000 emprunteurs cette année.

Au bout du compte, ce sont les consommateurs qui vont payer plus cher s’il faut absolument qu’un notaire assure le processus de A à Z pour un refinancement ou un transfert hypothécaire.

« On a constaté que le prix des notaires, c’est élastique, dit M. Lupien. Ce que l’on craint, c’est que des gens qui souhaitent aller au marché [magasiner] pour renouveler leur hypothèque risquent de ne pas pouvoir boucler leur transaction. »

Dans bien des cas, des emprunteurs risquent d’avoir à se résigner à demeurer à leur institution financière pour éviter d’avoir à passer chez le notaire, mais à un taux d’intérêt plus élevé puisqu’ils ne pourront pas magasiner, craint le courtier.

Son constat est aussi partagé par Professionnels hypothécaires du Canada (PHC), qui représente 15 000 membres à travers le pays. Éric Chamelot, l’un des directeurs québécois, affirme que des délais plus longs sont déjà observés par l’association pour obtenir des rendez-vous chez un notaire en matière de transfert subsidiaire.

« La facture bondit aussi, souligne-t-il. Une transaction avec FCT ou FNF était moins dispendieuse. En bout de piste, les grands perdants, ce sont les consommateurs. »

Pas de balises

À l’Association professionnelle des notaires du Québec (APNQ), le président Kevin Houle rétorque que les notaires sont « libres » de fixer leurs honoraires « selon le type de dossier ». Tout est relatif, dit-il.

« Un refinancement d’un bungalow n’est pas le même que celui d’une maison à 3,5 millions, précise MHoule. Cela demeure relatif au temps qu’on y met. »

Selon lui, la Loi sur le notariat est claire : un notaire « ne peut pas être limité dans son mandat à un point tel qu’il ne devienne qu’un simple commissaire de signature ». En d’autres termes, il ne peut pas recevoir un dossier « prérempli » et se contenter de le signer.

MHoule s’attend à voir une augmentation de la demande auprès des notaires en raison du contexte des renouvellements hypothécaires anticipés. À son avis, si l’on s’y prend d’avance avec ces professionnels, il ne devrait pas trop y avoir de vagues.

Deuxième round

Il y a sept ans, la Cour d’appel avait déterminé qu’elle ne voyait pas en quoi la protection du public serait mise en péril par les entreprises comme FCT et FNF. La modernisation de la Loi sur le notariat a toutefois ravivé la dispute.

Convaincu que le tribunal tranchera en faveur de son entreprise et de FNF, Michael LeBlanc se demande pourquoi la Chambre réagit avec tant de promptitude.

« Pourquoi ne pas laisser le tribunal prendre la décision plutôt que de brusquer le processus ? Les seules personnes désavantagées en ce moment sont les consommateurs. Tout cela crée de l’incertitude, des coûts inutiles et des retards. »

Évoquant le « litige actuel », la Chambre a refusé de répondre aux questions de La Presse visant à en savoir davantage sur les moyens mis en place pour que ses membres respectent son interprétation de la Loi sur le notariat. Le cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a offert la même réponse.

Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse

Comment cela fonctionne-t-il ?

Pour profiter de taux hypothécaires plus alléchants, un nombre grandissant de Québécois se tournent vers les prêteurs non bancaires, aussi appelés prêteurs virtuels ou alternatifs. Ces entreprises absorbent les frais associés à la rédaction des documents légaux requis lors des renouvellements hypothécaires.

Ce travail est généralement confié à FCT et à FNF, qui incluent dans leur forfait une assurance couvrant la validité des titres de propriété sur l’immeuble hypothéqué. Les dossiers sont ensuite transmis à des notaires du Québec, qui remplissent les formalités requises, vérifient l’identité, la qualité, la capacité, le consentement ainsi que l’état matrimonial de l’emprunteur avant d’instrumenter l’acte.

Des banques traditionnelles peuvent aussi avoir recours aux services de FCT et de FNF.

En savoir plus
  • 3900
    Nombre de notaires au Québec

    source : chambre des notaires du Québec

    2780
    Nombre de notaires dans une étude ou un cabinet juridique

    source : ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES NOTAIRES DU QUÉBEC

Notaires Immobilier : Critique d’une Opacité Préjudiciable

La quête d’un notaire dans le domaine de l’immobilier est souvent un parcours semé d’embûches pour les consommateurs. Au cœur de cette complexité réside une opacité préjudiciable qui entrave la transparence et la confiance dans ce secteur crucial. Voici un aperçu critique des principales problématiques associées aux notaires immobiliers :

Manque de Transparence

Les consommateurs se trouvent confrontés à un manque flagrant de transparence lorsqu’ils recherchent des services notariaux pour leurs transactions immobilières. Les tarifs pratiqués par les notaires restent souvent obscurs, sans véritable justification apparente pour les honoraires demandés. Cette opacité laisse les consommateurs dans l’incertitude quant aux coûts réels des services notariaux, sapant ainsi la confiance du public dans cette profession.

Complexité Administrative

Le processus d’achat ou de vente d’un bien immobilier implique une multitude de formalités administratives souvent complexes. Les consommateurs se retrouvent souvent dépassés par la paperasserie et les exigences légales, sans savoir où chercher de l’aide ou des explications claires. Les notaires, en tant qu’experts juridiques, pourraient jouer un rôle crucial dans la simplification de ces processus, mais leur manque de disponibilité et de clarté ajoute à la frustration des consommateurs.

Coûts Élevés et Opacité Tarifaire

Les frais de notaire représentent une part significative des coûts associés à une transaction immobilière. Cependant, les consommateurs ont souvent du mal à comprendre la composition de ces frais et à évaluer si les honoraires demandés sont justifiés. Cette opacité tarifaire permet aux notaires de maintenir des prix élevés sans réelle reddition de comptes, ce qui aggrave le fardeau financier des consommateurs et limite l’accès à la justice immobilière pour certains.

En conclusion, l’opacité qui entoure les services des notaires immobiliers représente un défi majeur pour les consommateurs cherchant à naviguer dans le marché immobilier. Pour restaurer la confiance et favoriser une plus grande accessibilité à la justice immobilière, une transparence accrue et des réformes structurelles sont indispensables dans ce secteur essentiel de notre société.